Emmanuel Langlois
25 septembre 2025

Télétravail : des règles pérennisées entre la France et la Suisse

Le sujet a fait couler beaucoup d'encre. Dès le 1er janvier prochain, les travailleurs transfrontaliers seront soumis à plus de transparence et de contrôle quant à l’imposition de leur activité professionnelle à distance. La nouveauté : un échange automatique des données salariales entre les deux pays.

Avec 172 000 expatriés et plus de 230 000 frontaliers, la Suisse est le premier pays de destination pour les Français. Le décret présidentiel pris le 21 août dernier est un avenant à la convention fiscale entre les deux pays qui datait elle, de 1966. La principale innovation concerne la situation des travailleurs frontaliers en télétravail, que cet accord sécurise. ” En avril 2020, beaucoup de personnes frontalières entre la France et la Suisse se sont retrouvées bloquées du jour au lendemain, rappelle Me Alain Moreau, avocat fiscaliste au cabinet FBT Avocats, présent à Genève et Paris.

Me Alain Moreau : ” Dans l’urgence, les deux pays ont fixé des règles assez souples de façon à permettre aux gens de pouvoir travailler à leur domicile. ”  Désormais, des règles précises sont établies par les deux pays, de part et d’autre du lac Léman.

Une fois le Covid passé, le télétravail s’est installé, poussé notamment par les entreprises. Les deux pays ont donc pris des mesures transitoires qui se termineront au 31 décembre 2025 après la ratification, le mois dernier, de part et d’autre du lac Léman, de l’avenant à la convention fiscale internationale négociée et signée entre la France et la Suisse. Dans les faits, quand le télétravail concerne 40 % ou moins de l’activité effectuée dans l’année par un collaborateur français employé par une société helvète, rien ne change : c’est la Suisse, l’État de l’employeur, qui prélève l’imposition, avec une compensation financière de 40% versée à la France, pays de résidence du contribuable. ” Au-delà de 40 %, précise Me Moreau, ce sont les règles ordinaires de la convention qui s’appliquent sans compensation, la taxation a lieu aussi dans l’Etat de résidence du salarié. “

Une modernisation profonde

” C’est une pérennisation et une sécurisation du régime du télétravail, note Me Moreau. Jusqu’à présent, il n’y avait aucun contrôle, chaque pays comptant sur la bonne foi de tout le monde. La nouvelle convention maintient la base des 40% mais prévoit aussi un échange automatique d’informations. Si une personne vivant en France est autorisée à télétravailler deux jours par semaine par exemple, son employeur suisse devra la déclarer au fisc helvète, qui devra à son tour en informer le service des impôts en France. ” Au nom de la transparence, ces informations concerneront l’identité du contribuable mais aussi le nombre de jours de télétravail effectués sur l’année et le montant total de la rémunération brute totale versée en Suisse au salarié français.

Ce mécanisme vise à éviter les litiges et à faciliter les contrôles. ” Ces échanges seront automatiques mais vont demander davantage de travail aux entreprises suisses et aux administrations fiscales des deux pays “, relève Me Moreau. Le nouvel accord prévoit aussi des mesures en faveur des entreprises pour fluidifier le règlement des conflits en cas de double imposition.  Il réforme également le régime des frontaliers datant de 1983, qui vise les salariés hors du Canton de Genève (principalement Vaud et Bâle). ” Ils bénéficiaient d’un régime de taxation spécifique qui était jusqu’à présent indépendant de la convention fiscale Franco-Suisse, détaille Me Moreau. Dans le nouvel avenant, et seulement pour le télétravail, ils sont alignés sur les salariés du canton de Genève. “

Ce nouvel avenant élargit également l’accès à la procédure amiable : un contribuable pourra saisir directement les autorités fiscales s’il estime être imposé de façon non conforme, sans attendre la fin des recours internes. Une clause anti-abus est également introduite pour empêcher les montages artificiels destinés à bénéficier indûment de la convention. Le texte précise enfin que la convention ne fait pas obstacle à la mise en œuvre des nouvelles règles de l’OCDE relatives à l’imposition minimale à 15 % des multinationales.

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