Salomé Hénon Cohin
5 septembre 2025

Tobias Bütow : «  La relation bilatérale franco-allemande est unique au monde »

Tobias Bütow, 47 ans, est le secrétaire général allemand de l’Office franco-allemand pour la Jeunesse, l’OFAJ, depuis 2019. Lui qui rappelle son enfance dans la dictature de la RDA, a à cœur de faire vivre le franco-allemand et estime que la société civile joue un rôle crucial.

Que pensez-vous de l’évolution des relations franco-allemandes ces dix dernières années ?

C’est une excellente question, qu’on se pose à l’OFAJ presque chaque jour. Nous sommes profondément convaincus qu’un tandem fort entre la France et l’Allemagne est indispensable pour l’avenir de l’Europe et pour la jeunesse. Depuis 2019 et le traité d’Aix-la-Chapelle, qui, je pense, n’a pas fait suffisamment les titres de l’actualité lors de sa signature, un travail très important a été fait, en répondant aux besoins de la société civile. Par exemple, nous avons créé le Fonds citoyen franco-allemand, dont le budget a doublé en 2022. Un autre point important à rappeler est que nos relations bilatérales sont uniques au monde. Il y a par exemple 2 200 jumelages entre des communes françaises et allemandes. D’autres viennent d’être lancés. Il y a vraiment une diversité riche et des partenariats régionaux entre les Länder et les régions. Enfin, il existe plus de 300 programmes universitaires franco-allemands… des filières souvent choisies par des personnes ayant suivi un programme d’échange de l’OFAJ. Cette année, on vient d’atteindre les dix millions de participants à ces programmes depuis 1963. Alors oui, cette confiance entre les gouvernements et les peuples existe, même si on ne la voit pas toujours dans les émissions de télévision.

Donc si je comprends bien : le franco-allemand vient plutôt de la société civile – ou c’est une entité à la base intrinsèquement politique ?

Les deux ensemble, évidemment. Mais je trouve que la vraie force du franco-allemand, c’est la jeunesse. Les échanges franco-allemands et la compréhension et la coopération de la société civile en France et en Allemagne sont souvent sous-estimés dans les analyses médiatiques ou intellectuelles. Le besoin d’échanges est de loin supérieur aux investissements des pouvoirs publics. Les jeunes et la société civile souhaitent une coopération franco-allemande accrue.

Sur le plan politique, quel espoir suscite chez vous l’arrivée de Friedrich Merz à la chancellerie – après le passage d’Olaf Scholz qui n’a pas fondamentalement changé les choses ?

Je pense que l’arrivée d’un nouveau chancelier ou président de la République marque toujours un tournant. Plus que jamais, nous avons besoin de renforcer la coopération franco-allemande. Et les deux gouvernements poursuivent cet objectif commun. D’ailleurs, à l’OFAJ, nous avons été intégrés aux discussions autour du contrat de coalition allemand, et on nous a assuré qu’il y aurait une hausse du budget pour la jeunesse. Nous sommes donc très satisfaits du début de mandat.

Pourtant, en ce moment, il y a pas mal de sujets qui fâchent entre les deux pays, notamment le retour des contrôles aux frontières. Comment le voyez-vous, notamment pour les frontaliers ?

À l’OFAJ, on soutient bien évidemment la mobilité entre nos deux pays, et notre mission principale, c’est de dépasser les frontières. Et la question du retour des contrôles entre l’Allemagne et ses voisins, notamment la France, était déjà un sujet délicat pour nos partenaires, pour les écoles et les associations de jeunesse au moment de la crise du Covid. Dans la région transfrontalière, il y a toujours un souvenir difficile de la fermeture partielle des frontières pendant la pandémie. Je me souviens de ce sentiment de liberté – et pour les Allemands de l’Est, c’était presque un déjà-vu – lorsque nous avons pu de nouveau entrer en France en 2020, après le premier confinement. Dans le contexte actuel, la question migratoire est complexe. Car dans les deux pays, on cherche des solutions, alors qu’on a une extrême droite qui monte – et qui, d’ailleurs, ne partage pas les valeurs principales du franco-allemand. Mais en même temps, il y a aussi un certain besoin d’adresser le sujet. Car chaque jour, des milliers de personnes vont travailler en Allemagne ou emmènent leurs enfants à l’école en France. Ils font leurs courses, s’occupent de leurs proches. Donc je comprends très bien que le rétablissement des contrôles, même si c’est temporaire, soit ressenti comme un véritable retour en arrière.

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