Anaïs Bouitcha
12 avril 2024

« L'immigration francophone fait partie de la réalité du Canada »

Lancé dans le sillage des annonces du gouvernement en matière d'immigration francophone, le premier Observatoire en immigration francophone du Canada doit aider à la favoriser. Rencontre avec Linda Cardinal, vice-rectrice adjointe à la recherche de l'Université de l'Ontario français, qui dirige le projet.

S’il a vu le jour il y a à peine quelques mois, le projet d’Observatoire en immigration francophone ne date pourtant pas d’hier. Il remonte plus précisément à 2019, aux prémices de l’université de l’Ontario français (UOF), qui ouvrira ses portes deux ans plus tard. « En préparant le plan d’action en recherche, j’ai compris que l’un de nos créneaux d’excellence devait être l’immigration», explique Linda Cardinal, vice-rectrice
adjointe à la recherche de l’UOF et actuelle directrice de l’Observatoire.

La même année, la création d’une chaire en immigration francophone à l’université d’Ottawa et d’une chaire en immigration pour le Canada à la Toronto Metropolitan University terminent de convaincre les dirigeants de la future UOF du besoin de rassembler les initiatives existantes en matière d’immigration francophone. « On voulait fédérer les chercheurs, pas seulement créer des filières individuelles », précise
Linda Cardinal.

Et surtout, développer cette recherche au service des besoins du terrain hors Québec. En effet, la province, seule du pays officiellement francophone et terre d’accueil de la majorité de la communauté, possède déjà de nombreuses infrastructures en recherche et en politique. « Les francophones en contexte minoritaire sont une immigration très peu prise au sérieux, tant au niveau gouvernemental que dans certains réseaux,
déplore Linda Cardinal. Hors Québec, l’important est de s’intégrer à l’économie par l’anglais. Mais le Canada reconnaît deux langues officielles partout à travers le pays. L’immigration francophone fait partie de sa réalité. »

6% d’immigration francophone en 2024

Peu importe l’étendue de cette communauté, le projet interpelle. Au total, 70 personnes s’y impliquent, des chercheurs et chercheuses autant que des représentants du milieu communautaire ou institutionnel. Heureux hasard, l’Observatoire profite du calendrier politique canadien. « La nouvelle loi sur les langues officielles adoptée en 2023 comporte une disposition spécifique obligeant le gouvernement canadien à
adopter une politique en immigration francophone », se réjouit la vice-rectrice adjointe de l’UOF. Le gouvernement Trudeau a en effet annoncé augmenter sa cible en immigration francophone de 4,4% à 6% en 2024.

Véritable passerelle entre la recherche académique et les organismes communautaires de terrain, ce nouvel organisme ambitionne donc de contribuer aux politiques publiques, notamment en évaluant les besoins en matière de recherche des 99 groupes fournisseurs de services directs et indirects en immigration francophone. « On fait souvent de la recherche pour l’avancement des connaissances, quelles que soient ses
retombées. Mais on peut aussi en faire pour renforcer l’action des groupes dans leur milieu. Le monde communautaire a un besoin criant de données, pour gagner en crédibilité et en légitimité auprès des bailleurs de fonds », assure Linda Cardinal.

Un avenir incertain

C’est ainsi qu’un comité de gouvernance pancanadien constitué d’universitaires et de représentants de groupes communautaires a vu le jour en novembre 2023, financé à hauteur d’environ 55 000 euros par l’IRCC. Une à deux fois par mois, il se réunit pour superviser l’ensemble des activités de l’organisme, et pourrait à l’avenir se voir renforcé d’un comité scientifique. « C’est une structure inédite construite par et pour les universitaires. Elle va notamment permettre aux étudiants d’avoir accès à des formations sur-mesure et à des lieux de recherche. Peu de chercheurs travaillent sur ces questions, il est donc d’autant plus important de préparer la relève. »

Mais à peine né, l’Observatoire a déjà affronté sa première difficulté : la récente réforme limitant le nombre d’étudiants étrangers et la durée de leur séjour au Canada. « L’association des collèges et universités de la francophonie canadienne a demandé à ce que ça ne s’applique pas au milieu minoritaire, explique Linda Cardinal. Cette nouvelle mesure pourrait nuire à notre communauté. »

Aujourd’hui, Linda Cardinal attend de savoir si l’Observatoire va recevoir davantage de soutien de la part du gouvernement fédéral. « On ne nous a fait aucune promesse pour l’avenir, souffle-t-elle. Nous allons déposer notre dossier de financement sur trois ans au printemps » afin de recruter du personnel et devenir un lieu d’accueil pour les chercheurs, précise la directrice du projet. Forte du succès de la première formation en statistique linguistique dispensée par l’Observatoire le 9 novembre, Linda Cardinal espère attirer bientôt d’autres financements provinciaux ainsi que des projets de partenariats.

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