Salomé Hénon Cohin
22 septembre 2025

Yann Mastantuono, un chef sans filtre et sans chichi à Berlin

Il détonne dans le secteur lisse de la gastronomie à Berlin. Yann Mastantuono, la quarantaine, a lancé son restaurant le Mastan en 2023. Depuis, le succès de ce bistrot bien Français ne cesse de grandir.

Il nous accueille dans son restaurant tout en ouvrant sa commande de nouveaux verres à vin. « Ici, on boit du bon vin. Par exemple, je propose à mes clients un Grange des Pères que certains restaurants en France n’ont même pas! » se targue le chef aux grandes lunettes noires.

Yann Mastantuono a ouvert Le Mastan au coeur de Kreuzberg, près de la station de métro Südstern, en avril 2023. « Pour moi, le Marseillais, c’était évident d’ouvrir ici. Je crois un peu aux signes, et “Südstern” ça veut dire “étoile du sud” en allemand. Alors forcément, quand j’ai visité le restaurant, j’ai su que c’était ici. »

A la carte de cet établissement récemment décoré du « Bib Gourmand », un label décerné par le Guide Michelin pour récompenser une cuisine de qualité à un prix raisonnable, de la bouillabaisse, du steak frites, « des bons plats bien français ». Ici, pas de grands classiques allemands comme les asperges, les girolles ou le Schnitzel (cette escalope de veau panée): « je ne veux pas proposer ce que les gens savent déjà bien faire ici ». Par contre, pour moins de 50€, on peut s’offrir un steak frite « iconique », comme le dit le site du restaurant. « C’est une histoire assez rigolote, le pourquoi du comment on propose un steak frite ici: l’une de mes fournisseuse voulait que je lui fasse une entrecôte, un jour. Evidemment, j’ai dit oui! Mais après, il me restait du boeuf au frigo et j’ai décidé de le vendre… Depuis, le steak-frite est à la carte et fait un carton! » se réjouit-il.

Une clientèle principalement berlinoise

Mastantuono a réussi un coup de maître: faire aimer la cuisine française de bistrot, la cuisine simple, à un public allemand au palais peu aguerri. « Ils adorent la bouillabaisse! Elle a le même goût qu’à Marseille, même si je la cuisine avec des poissons frais de la Baltique » sourit le chef, qui est fier de présenter ce plat à la carte tous les mercredis soirs. « Les gens viennent exprès pour cela, car chez nous, c’est servi au plat, c’est très convivial. »

Des origines marseillaise du chef qui le suivent depuis toujours. Car après avoir fait ses armes chez Ducasse à Paris, et dirigé sa propre brasserie, Yann Mastantuono est reparti vivre quelque temps à Marseille où sa première fille est née. « Mais ma femme est franco-allemande et on a toujours voulu déménager à Berlin ». En 2022, c’est le grand saut. Il leur aura fallu six mois pour trouver un restaurant, quatre autres pour ouvrir. Depuis, Le Mastan est devenu un passage obligé pour de nombreux habitants du quartier: « Beaucoup de clients viennent chez nous après être passés dans le bar antifa typiquement berlinois qui est juste à côté, c’est vraiment un lieu ouvert pour tous. » Pourtant, quand on lui pose la question de la rentabilité, le sourire du chef-patron s’estompe: « on a surfé sur une hype au début, mais dans la conjoncture économique actuelle, c’est vraiment compliqué, avec l’inflation, le manque de confiance dans l’avenir… »

Un entrepreneur chevronné

Yann Mastantuono a deux casquettes: chef et patron. « Lancer une entreprise en Allemagne, c’est sensiblement pareil qu’en France » explique t-il. A la différence près de la langue, qu’il ne faut « pas négliger: moi j’ai eu la chance de pouvoir être aidé par ma femme, qui est bilingue », sourit le chef. Même si à la base, les époux n’avaient pas prévu de s’associer, lui ne souhaitant pas mélanger business et famille. « On a souvent peur de l’administration allemande, moi non: si on arrive avec un business plan clair, un local, de l’argent et une banque qui suit, pas de souci », explique le chef. « On a de la chance, la cuisine française est très aimée en Allemagne, alors les banques ont suivi ». Cependant, il s’est tout de même payé les services d’un conseiller en entreprise pour le business plan.

Un voyage franco-allemand

Pour s’adapter aux Allemands, le Marseillais a adapté ses horaires: il n’ouvre que le soir, on peut dîner à partir de 18 heures. « Et encore, des collègues ouvrent parfois à 17h30! C’est les coutumes locales, ici on mange tôt! » sourit-il, en avalant son espresso. Dans son équipe, plusieurs francais: sa femme, dont la famille vient de la région viticole de Mainz, et deux serveurs. « L’un d’entre eux est franco-allemand, il est là depuis le début. Et ça c’est très pratique, il arrive à bien cerner les demandes de nos clients. »

Pour la suite, Yann Mastantuono a des projets: « Je n’aime pas tourner en rond. Je vais encore un peu faire fructifier le Mastan puis à terme, j’aimerais ouvrir une cave à manger, j’adorerais. Peut-être aussi un autre restaurant.. mais je ne vais pas m’arrêter là, c’est sûr! »

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