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L’image de la France à l’étranger : ce que l’on nous envie… et ce qui fâche

Si l’on se fie aux classements internationaux, la France demeure une puissance d’attraction culturelle et touristique hors pair.

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Français à l'étranger: et si on passait des « expats » à la diaspora?

Dans l’Anholt-Ipsos Nation Brands Index 2024 (NBI) – le baromètre de référence sur les réputations nationales – notre pays reste dans le top 10 mondial (10e), porté par une image générale de « sophistication » et en particulier par sa gastronomie, toutes deux classées dans les toutes premières places des attributs mesurés.

Le Forum économique mondial, par ailleurs, classe la France parmi les tout premiers écosystèmes touristiques au monde (aux côtés des Etats-Unis, de l’Espagne et du Japon) grâce à des infrastructures solides, une offre culturelle unique et des politiques de voyage relativement ouvertes. Cette « marque France » s’appuie sur l’accumulation d’atouts patrimoniaux – monuments, musées, terroirs – et un art de vivre qui continue de faire rêver. Ensuite, une scène créative qui diffuse largement : mode, design, gastronomie, littérature.

Par ailleurs, la France reste attractive pour les talents : en 2024-2025, près de 444 000 étudiants internationaux étaient inscrits dans l’enseignement supérieur français, en hausse de 17 % sur cinq ans.

Mais l’image se joue aussi dans le « moins ». Et c’est là que le bât blesse.

Les investisseurs étrangers interrogés par le cabinet EY adorent notre marché, nos compétences et nos infrastructures – qui nous permettent, record à la clé, de rester numéro 1 en Europe pour le nombre de projets d’Investissement direct étrangers annoncés – mais pointent, année après année, une « complexité administrative souvent décriée », des coûts du travail élevés et une fiscalité pesante. La même étude note en 2024 que le climat social a dégradé la perception de la qualité de vie.

Ces jugements ne tombent pas du ciel : l’OCDE rappelle que la France présente le ratio prélèvements obligatoires/PIB le plus élevé de l’Organisation (43,8 % en 2023), et une fiscalité sur le travail parmi les plus élevées pour un salarié moyen (47,2 % en 2024, 3e rang de l’OCDE).

Autre irritant souvent sous-estimé : la barrière de la langue.

« L’ English Proficiency Index » (que je ne traduirai pas car je sais les lecteurs du Journal des Français à l’étranger parfaitement bilingues !) classe la France 49e sur 116 pays, et 33e sur 35 en Europe. Traduction pratique : pour un touriste asiatique, un étudiant africain anglophone ou un cadre nord-américain, l’expérience au contact des français reste aléatoire hors des grands hubs internationaux. Là aussi, l’image souffre, non pas par manque de bonne volonté, mais par difficulté réelle à communiquer.

Au-delà des chiffres, l’étranger voit aussi nos contradictions. Pays champion de la culture et de l’hospitalité, nous sommes aussi la patrie de la contestation ritualisée : grèves, blocages, bronca contre toute réforme.

Les dirigeants d’entreprise n’ignorent pas que la France sait attirer des usines et des centres de R&D, mais ils constatent que nous restons à la traîne sur les sièges sociaux, la tech et la finance – où Londres garde l’avantage – et que la taille moyenne de nos projets crée moins d’emplois que chez nos voisins directs. Bref, un pays admiré, désiré, mais pas toujours « facile ».

Que faire ?

Trois leviers simples et mesurables peuvent améliorer notre réputation – et la vie concrète des expatriés qui, sur tous les continents, portent la « marque France » au quotidien.

1) Passer d’une logique d’attraction à une logique d’accueil.

La France attire déjà ; elle doit mieux accueillir. Côté étudiants et chercheurs, l’objectif est clair : zéro « galère » à l’arrivée. Démarches 100 % dématérialisées, guichet unique anglophone, rendez-vous garantis pour titres de séjour, ouverture de compte et couverture santé sous 10 jours. Des établissements pionniers le montrent ; généralisons les bonnes pratiques et mesurons la satisfaction.

L’enjeu est majeur quand on accueille près d’un demi-million d’étudiants internationaux chaque année. Dans le tourisme, capitalisons sur notre rang mondial en fluidifiant visas, transports et information en temps réel, et en étendant le label « hospitalité » au-delà des grandes villes (où l’expérience est déjà souvent excellente) vers les autres territoires.

2) Réduire les frictions pro-business les plus visibles.

À défaut de révolution fiscale immédiate, agissons sur ce qui coûte peu et rapporte beaucoup d’image : simplification réglementaire « de guichet » (autorisation, contrôle, paiement) avec des délais opposables et une présomption d’accord en cas de silence de l’administration ; extension des procédures en anglais pour les IDE et la tech ; extension de la « justice commerciale » accélérée pour les litiges simples.

C’est précisément ce que les répondants de l’enquête EY attendent : moins d’aléas et plus de prévisibilité. Cela confortera notre leadership européen en projets d’investissement tout en corrigeant nos angles morts (taille des projets, sièges, finance/tech).

3) Faire de l’anglais et du service une cause nationale.

L’English Proficiency Index nous rappelle l’évidence : la compétence linguistique est un avantage compétitif. Si vous êtes expatrié vous le savez bien !

Fixons-nous un objectif public et daté (par exemple, entrer dans le top 20 mondial d’ici cinq ans) et mettons les moyens sur les métiers en contact : hôtellerie-restauration, transport, santé, police aux frontières, musées, préfectures.

Certifier les établissements et administrations « France Welcome » sur des critères simples : temps d’attente, qualité d’info en ligne en anglais, résolution au premier contact, satisfaction client. Rien d’idéologique : du pragmatique, mesurable, vérifiable – et immédiatement perceptible par le visiteur, l’investisseur… et l’expatrié qui fait l’interface au quotidien.

Au fond, la France n’a pas un problème d’attractivité ; elle a un problème de friction. Notre réputation reste élevée dans les grands classements de soft power, même si nous avons glissé en 2024 (10e du Nations Brand Index), signe que la concurrence s’organise et que nous devons éviter l’autosatisfaction.

Or la bonne nouvelle, c’est que les irritants les plus corrosifs pour l’image – complexité des démarches, incertitude administrative, insuffisante maîtrise de l’anglais pour les personnes en contact avec les visiteurs – se corrigent sans bouleverser notre modèle social ni renier notre identité culturelle.

Aux Français de l’étranger qui sont, partout, nos meilleurs ambassadeurs, il revient d’exiger – et d’expliquer – cette bascule : garder ce qui fait l’âme française, et rendre l’expérience française plus simple, plus lisible, plus fiable.

C’est à ce prix que notre « marque » conservera son éclat… et que l’admiration qu’elle suscite continuera de se traduire en visites, en talents, en investissements – bref, en influence réelle.

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