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Tribune

Les Français de l’étranger, protecteurs de notre souveraineté économique

Dans une économie désormais tertiarisée, les expatriés sont devenus indispensables à l’équilibre extérieur de la France.

Publié

le

Geoffroy Bunetel

Les dernières semaines de débats budgétaires ont eu des airs de concours Lépine de la créativité fiscale. Et dans ce festival d’idées parfois improvisées, les Français de l’étranger ont, une fois encore, servi de victimes faciles. La proposition – finalement rejetée d’une voix – d’un impôt « universel ciblé », oxymore fiscal s’il en est, qui est à la fiscalité ce que le clair-obscur est à la poésie, en a été la parfaite illustration. Derrière ce débat, c’est surtout le fantasme de l’expatrié égoïste ou déserteur qui continue d’être entretenu.

Quand la pédagogie économique devient un devoir

Plus que jamais, les élus des Français de l’étranger doivent faire œuvre de pédagogie économique. Car au-delà de la fiscalité, il s’agit d’un enjeu de souveraineté : sans expatriés, la France serait incapable de maintenir l’équilibre de sa balance des paiements. Très simplement, la balance des paiements mesure la différence entre l’argent qui entre et celui qui sort du pays. Quand plus d’argent sort qu’il n’en rentre, le pays doit s’endetter à l’étranger, ce qui conduit à une perte d’autonomie financière, voire, à terme, à une dévaluation et à de l’inflation importée, synonyme d’appauvrissement.

Tertiarisation et expatriation: les deux faces d’une même pièce

La France n’est plus une puissance industrielle : l’industrie ne représente plus que 10 à 11 % de son PIB, contre plus de 20 % pour l’Allemagne ou l’Italie. Notre pays dépend donc de l’étranger pour les biens matériels qu’il consomme, et sa balance commerciale est constamment déficitaire depuis 2002. Mais cette faiblesse est compensée par la force de nos services. La France est devenue une économie de services mondiale, où l’exportation ne se fait plus en containers mais en présence humaine: banques, assurances, ingénierie, luxe, hôtellerie, santé, tourisme… tous ces services se rendent et se vendent sur place. Les Allemands exportent des machines ; les Français exportent du savoir-faire et de la relation. Cela suppose des équipes françaises implantées à l’étranger. Ainsi, tertiarisation et expatriation sont les deux faces d’une même pièce. Hier, Sully affirmait que « labourage et pâturage sont les deux mamelles de la France » ; aujourd’hui, on pourrait dire : « tertiarisation et expatriation en sont les deux jambes. »

Ce que disent les chiffres : la France sauvée par ses services

D’après le rapport annuel 2024 de la Banque de France (publié en juillet 2025), notre déficit commercial supérieur à 60 milliards € est compensé par une balance des services excédentaire de plus de 56 milliards €.

Balance des paiements 2024

Biens : -60,8 milliards €
Services : +56,3 milliards €
Revenus primaires : +12,5 milliards €
Transferts courants :  -5,9 milliards €
Solde total :  +2,1 milliards €

Ces chiffres confirment une réalité simple : sans les services vendus par la France à l’étranger – et donc sans expatriés pour les délivrer – notre balance extérieure serait massivement déficitaire.

L’expatriation, pilier discret de la souveraineté française

Si la France tient encore son équilibre extérieur, c’est grâce à ces revenus immatériels et à ces services exportés, invisibles dans les statistiques douanières mais essentiels pour la Nation. Sans eux, il faudrait s’endetter davantage, perdre en autonomie financière, voire subir une pression sur la monnaie. Autrement dit : sans expatriés, la France perdrait son souffle et sa souveraineté économiques.

Les expatriés ne sont pas un « good to have », ni de simples ambassadeurs du soft power français. Ils sont, tout simplement, les protecteurs silencieux de la souveraineté économique d’une France tertiarisée à la balance commerciale structurellement déficitaire.

Il est parfaitement légitime de vouloir refaire de la France une puissance industrielle capable d’équilibrer sa balance commerciale. Mais cette transformation de fond demandera 10 à 20 ans d’efforts constants. En attendant, la France serait bien avisée de ne pas se tirer une balle dans le pied, en traitant en paria ceux qui lui permettent encore d’équilibrer les comptes extérieurs de la Nation.

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