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Pierre-Yves Le Borgn’ : l’application du droit européen est un combat citoyen

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Pierre-Yves Le Borgn’ a beaucoup voyagé et a souvent posé ses valises à l’étranger pour exercer son travail de juriste international. Ce Breton a porté les couleurs des Français de l’étranger à l’Assemblée nationale de 2012 à 2017 en étant député de la 7e circonscription, celle de l’Europe de l’Est, l’Europe Centrale et les Balkans. Les francaisaletranger.fr accueillent aujourd’hui sa tribune consacrée aux liens qui unissent le droit européen et les citoyens.

 

L’application du droit européen est un combat citoyen

Le droit européen est souvent perçu comme complexe et lointain. Sa rédaction, en fonction des textes et des sujets, peut en effet le rendre complexe. Lointain, il l’est en revanche rarement. Il est certes élaboré à Bruxelles et Strasbourg sous le regard vigilant de la Cour de Justice à Luxembourg, mais l’éloignement s’arrête là. Le droit européen n’est pas désincarné : il crée des droits au bénéfice du citoyen. Il y a dans le droit européen une dimension insoupçonnée de proximité. J’ai longtemps travaillé, au temps des études puis durant ma vie parlementaire, sur le droit européen de la sécurité sociale. Sait-on que ce droit régit depuis près de 60 ans la vie des millions d’Européens qui travaillent ou ont travaillé dans un autre Etat que celui dont ils ont la nationalité et qu’il les protège ? Tout l’enjeu est d’en obtenir une juste et efficace application. Ce n’est pas toujours simple. Derrière l’application difficile ou la non-application du droit européen, il y a souvent l’ignorance des administrations, mais parfois aussi une bonne dose de calcul. Le protectionnisme a la vie dure, surtout lorsqu’il est subtilement habillé. C’est pour cela que l’application du droit européen est un combat, un combat que j’appelle citoyen.
Que proscrivent les Traités européens ? La discrimination fondée sur la nationalité, l’inégalité de traitement, en un mot le maintien de frontières inavouées et donc l’injustice. Elu à l’Assemblée des Français de l’étranger, puis à l’Assemblée nationale, j’ai souvent mené la charge contre l’inapplication du droit, invoquant tour à tour les Traités, tel ou tel règlement ou directive et la jurisprudence de Cour de Justice de l’Union européenne. J’ai affronté des administrations françaises et étrangères, rencontré des Ministres chez nous et ailleurs, visité la Commission européenne, bataillé dans l’Hémicycle, soutenu des actions en justice en France et au-delà. Aucun succès n’est venu facilement. Mais ils sont venus, certains même après mon retrait de la vie publique. Je pense au prélèvement de la CSG sur les revenus immobiliers en France des personnes affiliées à un régime de sécurité sociale autre que français, récemment supprimé par le Parlement tant la violation du droit était établie et la condamnation à Luxembourg garantie. Le diable est souvent dans les détails. Toutes les libertés prises avec le droit ne sont pas aussi flagrantes que la clause de nationalité qu’imposaient les autorités de Varsovie pour empêcher les agriculteurs français en Pologne d’acquérir les terres qu’ils y cultivaient en fermage.
Derrière chaque difficulté en droit européen, il y a une réalité humaine, un homme, une femme, un enfant, une famille, un avenir. En presque 20 années de vie d’élu, j’ai traité plusieurs milliers de dossiers de constitution de retraites entre plusieurs pays, de reconnaissance des diplômes et des périodes de formation professionnelle, d’accès aux prestations sociales non-contributives du pays de résidence, de déplacements illicites d’enfants ou de remboursement d’impôts prélevés en violation du droit européen. Ce sont autant de sujets qui n’ont pas grand-chose de commun, à part la résistance à l’application du droit ou sa profonde méconnaissance. En Allemagne, il aura fallu une longue bataille en justice pour réduire un prélèvement sur les retraites complémentaires françaises, assimilées aux retraites d’entreprise allemandes alors que les premières présentaient un caractère obligatoire et les secondes un caractère facultatif. Le taux réduit et les remboursements du trop-perçu ont été obtenus au forceps. Agir pour l’application du droit européen demande de la résilience et aussi de la fermeté face aux arguments souvent invoqués de circonstances ou de coût. Car appliquer le droit européen n’est pas une option, c’est une obligation.
L’Union européenne a été régulièrement critiquée pour une propension à trop légiférer. Cela a pu arriver en effet. De cette critique est né un programme appelé « Better Regulation », mis en œuvre par la Commission européenne. Je voudrais imaginer qu’en miroir, un autre programme, appelé « Better implementation » (meilleure application), soit développé avec la même ambition, au-delà de la Communication de 2016 de la Commission. La reconnaissance dans le projet européen ne vient pas prioritairement de l’adoption de textes, aussi importants soient-ils, mais de leur mise en œuvre. C’est pour cette raison que l’application du droit européen est un combat citoyen. Je souhaite que le prochain Parlement européen embrasse bien davantage les questions de contrôle et d’évaluation du droit européen qu’il ne le fait et que son engagement soit déterminant. Il devra y associer les citoyens, les associations, les ONG, pas seulement par le biais de consultations en ligne, mais par des conférences et des missions parlementaires. Le Parlement est la voix des citoyens d’Europe. Il devra s’imposer dans le débat avec les Etats membres et la Commission européenne. La crédibilité du projet européen dépend aussi d’une juste application du droit de l’Union.

Pierre-Yves Le Borgn’, ancien député des Français de l’étranger

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