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Coronavirus : une Française à la recherche du vaccin aux Etats-Unis

Dans un entretien accordé à Français à l’étranger, le Docteur Morgane Rolland, spécialiste en évolution des virus dans un laboratoire de recherche de l’armée américaine, décrypte les étapes nécessaires à la recherche et à la réalisation du vaccin contre le nouveau coronavirus.

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Co-rédigé par Nora Litoussi. 

La chercheuse française Morgane Rolland est responsable de l’unité dédiée à la génétique virale au Walter Reed Army Institute of Research (WRAIR), un laboratoire de recherche du département américain de la défense dans l’état du Maryland, non loin de Washington DC. Si Morgane Roland s’intéresse tout particulièrement depuis 15 ans au VIH et aux maladies émergentes, c’est au coronavirus SARS-CoV-2 qu’elle se consacre désormais intégralement, au côté d’une centaine de scientifiques mobilisés dans la recherche d’un vaccin depuis début janvier. 

Dès le 9 janvier 2020, la première séquence du génome du virus, obtenue à partir d’un échantillon prélevé sur un patient chinois infecté par le nouveau coronavirus, est publiée. Cette séquence va permettre à son équipe de commencer immédiatement l’analyse du virus et d’en identifier ses spécificités. Depuis, une coopération internationale totalement inédite s’est mise en place. Les laboratoires des différents pays, pour la première fois de l’histoire des sciences, rendent très rapidement publiques et partagent les séquences du virus prélevées sur les personnes infectées, permettant ainsi aux chercheurs à travers le monde de les comparer entre elles et de commencer à caractériser ce nouveau virus : « On parle de 48h ou trois jours, ce qui est un record assez impressionnant. Il y a vraiment une prise en considération de l’urgence absolue » raconte Morgane Rolland.

> Le virus du Covid-19 mute-t-il ?

« La bonne nouvelle, c’est qu’il n’y a pas trop de mutations entre les séquences du nouveau virus. Ce qui veut dire que la première séquence que nous avons choisie est représentative de toutes les infections qu’il y a eues pour le moment. Donc un vaccin basé sur cette séquence fonctionnerait pour toutes les infections » explique Morgane Rolland. Selon elle, les capacités de mutation sont propres à chaque virus. Le vaccin contre le VIH est ainsi beaucoup plus complexe à réaliser, le virus mutant à chaque cycle de réplication. Les coronavirus mutent moins rapidement. Dans le cas du SARS-CoV-2, le virus qui cause le Covid-19, celui-ci compte seulement une dizaine de sites avec des mutations, ce qui est très peu pour un génome avec près de 30,000 sites qui pourraient muter.

Certaines études suggèrent que différentes formes du virus circulent déjà. Pour la chercheuse française, ce n’est pas le cas pour l’instant. Selon elle, même si des formes variantes du virus (avec une ou deux mutations) peuvent co-circuler, il n’y a aucune preuve, pour l’instant, qu’il s’agisse de virus avec des propriétés différentes. Par exemple, un article publié le 3 mars par le chercheur chinois Xiaolu Tang et ses collègues indiquait que deux formes variantes du virus circulaient en Chine et que l’une d’elle avait été plus exportée hors de Chine. Ils en déduisaient alors que la forme la plus exportée correspondait à une forme plus agressive. Mais, pour Morgane Rolland, l’idée qu’il existerait une forme plus agressive du virus et une autre plus bénigne « ne tient pas la route » sur la base de l’analyse des séquences. Selon la chercheuse, il n’existe pas de preuves montrant que cette mutation confère des caractéristiques de transmissibilité ou de pathogénicité différentes. La façon dont le virus s’est propagé pourrait expliquer ces différences minimes entre séquences.

> Quelle approche pour la réalisation du vaccin ?

Face à ce nouveau coronavirus, une équipe de chercheurs, dirigée par Kayvon Modjarrad et Gordon Joyce, qui avaient déjà travaillé sur la mise au point d’un vaccin contre un autre coronavirus, s’est réunie pour choisir quelle partie de SARS-CoV-2 serait la meilleure cible pour un vaccin. Comme pour de nombreux autres vaccins, l’équipe a choisi de se concentrer sur les spicules qui recouvrent le virus. Ces spicules sont identifiées comme des corps étrangers par le système immunitaire, ce qui induit la production d’anticorps contre le virus. Les spicules permettent aussi l’attachement du virus à une cellule, par l’intermédiaire de récepteurs, entrainant l’infection. « L’idée du laboratoire est de bloquer cet attachement. Pour le bloquer, notre idée est de produire un vaccin qui induira des anticorps contre les spicules, qui, une fois liés aux spicules, empêcheront l’attachement du virus aux récepteurs sur la cellule » explique le Dr. Rolland.  

> Les premiers tests du vaccin 

Une fois plusieurs formules du vaccin élaborées, les chercheurs de l’institut Walter Reed ont commencé depuis la mi-février à les injecter sur des souris. Mais le laboratoire doit désormais attendre que ces souris produisent une réponse immunitaire et des anticorps pour pouvoir les analyser et tester leur efficacité contre le virus. La prochaine étape consistera ensuite à tester ce vaccin chez le singe, animal plus proche de l’Homme, sur lequel les réponses sont souvent plus informatives que celles obtenues sur les souris. Pour l’instant, il n’existe pas de consensus au sein de la communauté scientifique pour savoir si les tests chez le singe représentent la meilleure approche pour tester un vaccin contre les coronaviridae. Des essais cliniques commenceront donc dès que possible chez l’homme, en parallèle des études chez le singe.

Le développement d’un vaccin prend du temps car les chercheurs doivent d’abord prouver que le vaccin n’ait aucun composant qui puisse être toxique avant de pouvoir obtenir l’approbation des autorités sanitaires pour commencer un essai clinique. Les spécialistes chargés de rédiger ce protocole complexe, ont cependant pu commencer le processus dès début janvier. « La première étude chez l’Homme permet juste de s’assurer que le vaccin soit sûr et qu’il n’y ait pas de manifestations cliniques non désirées », précise Morgane Rolland. 

D’autres essais cliniques sont ensuite effectués pour tester d’abord si le vaccin induit une réponse immunitaire adéquate puis pour tester son efficacité. Enfin, l’ultime étape est la commercialisation du vaccin. Pour ce faire, le laboratoire doit être associé à un industriel pharmaceutique. Les relations avec un partenaire pharmaceutique sont ainsi primordiales, les essais cliniques étant très onéreux et la production d’un vaccin nécessitant des infrastructures de pointe. 

> Un vaccin à quelle échéance ?

Malgré le souhait du Président américain d’obtenir un vaccin dans les trois prochains mois, une telle échéance s’avère impossible pour les scientifiques. « Le but sera d’essayer d’avoir fait les premiers tests préliminaires chez l’humain le plus rapidement possible mais il faut au moins 12 ou 18 mois avant d’avoir un vaccin prêt pour être distribué à la population ». Les mesures pour limiter la transmission du virus sont ainsi essentielles pour le moment. Il est difficile de prédire comment l’épidémie va évoluer et notamment de savoir s’il y aura une éventuelle deuxième vague hivernale.

Pour Morgane Rolland, aucune preuve scientifique ne permet d’affirmer à ce jour que le virus soit saisonnier. « Certes, de ce que l’on sait de la virologie, les coronavirus ont tendance à plutôt se répandre l’hiver, mais le virus qui cause le Covid-19 se propage actuellement dans de nombreux pays tropicaux, en Afrique ou en Asie du Sud Est ».

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