Etudier et travailler
Accueil des étudiants étrangers en France : un peu de bénéfices, beaucoup d’enjeux diplomatiques
Cinq milliards d’euros : c’est le montant des recettes perçues par la France grâce à la présence d’étudiants étrangers sur son sol. Mais si ce chiffre est en progression et que la France a, depuis quatre ans, mis en place des tarifs différents pour les étudiants européens et non-européens, elle ne prétend pas atteindre le niveau de la plupart des pays anglophones, champions en la matière. La raison ? L’accueil de ces étudiants étrangers doit rester le plus large possible pour servir au mieux son rayonnement culturel.
Dans un communiqué du 6 septembre 2022, Campus France se félicitait de la hausse de 8% d’étudiants étrangers inscrits dans les établissements supérieurs français en 2021-2022, soit « la croissance la plus forte enregistrée depuis plus de quinze ans ». Cette augmentation a permis de dépasser le chiffre symbolique des 400 000 étudiants étrangers présents dans l’Hexagone, avec très exactement 400 026 inscrits.
Cette progression est notamment due à la forte hausse du nombre d’étudiants libanais (+30%), espagnols (+25%) et italiens (+16%) sur les bancs des établissements français. D’autres nationalités dont la présence sur les campus hexagonaux avait chuté ces dernières années ont par ailleurs fait leur retour : les Américains (+50%) et les Allemands (+17%). « Ce rebond (…) semble se confirmer pour l’année 2022/23 : fin août 2022, plus de 140 000 étudiants issus de 70 pays dans le monde entier avaient déposé une candidature via Etudes en France », se réjouissait également Campus France dans son communiqué du mois de septembre.
Mais pourquoi cette présence d’étudiants étrangers dans les grandes écoles et universités françaises est-elle si importante pour le pays ? Fin novembre 2022, Campus France publiait les résultats d’une enquête réalisée en partenariat avec l’institut Kantar Public auprès de 10 000 étudiants internationaux « afin de mieux connaître leurs ressources, dépenses et conditions de vie ». Outre ces aspects pratiques, cette étude permet aussi d’évaluer l’impact économique de la présence de ces étudiants en France : ils rapporteraient 5 milliards d’euros annuels à l’économie française, « soit un solde positif net de 1,35 milliard d’euros en tenant compte des dépenses publiques liées ».
Les pays anglophones en tête de file
Cet apport reste néanmoins largement inférieur à celui enregistré dans un certain nombre de pays anglophones où la présence d’étudiants étrangers participe largement à l’économie nationale en raison de leur nombre et des sommes qu’ils déboursent pour leurs études. Campus France cite ainsi les chiffres enregistrés par la National association of foreign student advisers (Nafsa) qui mène chaque année une enquête sur le sujet aux États-Unis. Celle réalisée pour l’année scolaire 2020-2021 montre que les étudiants étrangers ont permis de générer 28,4 milliards de dollars et de créer 306 308 emplois.
Les chiffres sont tout aussi impressionnants au Royaume-Uni : l’impact des étudiants étrangers y était estimé à 29,6 milliards d’euros pour 2018-2019, selon un rapport du cabinet London Economics réalisé en septembre 2021. « Comme aux États-Unis, le montant conséquent de l’apport économique des étudiants internationaux s’explique largement par les frais d’inscription élevés dont s’affranchissent les étudiant », note Campus France, précisant que ces chiffres sont à manier avec précaution et difficilement comparables dans la mesure où ils émanent d’enquêtes réalisées avec des méthodologies différentes. « Il est également possible que certains rapporteurs aient tendance à “gonfler” l’apport économique des étudiants internationaux afin de faciliter la promotion de l’accueil des étudiants internationaux dans le pays », poursuit l’agence.
« Bienvenue en France »
Si elle ne fait pas partie des mastodontes du secteur, la France connaît une évolution non négligeable : en 2014, l’apport généré par l’accueil d’étudiants étrangers atteignait seulement 1,6 milliard d’euros, pour 300 000 étudiants étrangers. Mais cette hausse constante pourrait-elle être freinée ? Lancé en 2018 par l’ancien Premier ministre Édouard Philippe, le label « Bienvenue en France » est accordé aux établissements du supérieur selon un certain nombre de critères, afin de fixer « un standard de qualité international dans les établissements d’enseignement supérieur français ». Or, son lancement s’est accompagné d’une mesure qui vise à augmenter les frais d’inscription pour les étudiants internationaux qui veulent rejoindre des universités françaises. Ces frais s’élèvent aujourd’hui jusqu’à 2 770 euros pour une année de licence, alors que pour les Français ils atteignent 170 euros.
Cette réforme n’a néanmoins pas (encore) provoqué de révolution : « Jusqu’à la rentrée 2022, une grande majorité d’universités n’avait pas encore mis en place cette différenciation grâce à un système légal qui permet aux universités d’exonérer certains étudiants des droits d’inscription, dans la limite de 10% de leurs inscrits. Elles ont donc utilisé cette possibilité pour éviter d’augmenter les frais des étudiants hors UE qui continuaient donc de payer la même somme que les Français », explique Lionel Ragot, professeur d’économie à l’université Paris-Nanterre et conseiller scientifique au Centre d’études prospectives et d’informations internationales (Cepii).
Mais avec la montée en puissance du nombre d’étudiants étrangers qui viennent étudier en France, les universités butent désormais sur ces 10% et se voient obligées d’appliquer la mesure dans un certain nombre de cas. Cette évolution risque-t-elle de dissuader les étudiants étrangers ? « Elle a provoqué un certain mécontentement, notamment dans les pays d’Afrique, explique Lionel Ragot. Mais cette hausse ne pose en revanche pas de problème pour les ressortissants de pays anglophones puisqu’ils paient bien plus cher dans leur propre pays. »
Le « rayonnement culturel » comme argument-roi
Au-delà des enjeux économiques, l’accueil d’étudiants étrangers participe au « rayonnement culturel » français et c’est cet argument qui est le plus mis en avant. « Pour une grande majorité d’étudiants, leur séjour aura des effets positifs de plus long terme sur leur relation à la France. Les étudiants d’hier seront les ambassadeurs de demain », explique ainsi Campus France. Dans son enquête de 2022, 88% des étudiants internationaux déclarent que leur séjour a « un effet positif sur [leur] envie de revenir en France faire du tourisme », 87% expliquent qu’ils ont désormais envie de travailler avec des Français et 88% avec des entreprises françaises. Selon Lionel Ragot, c’était justement tout l’objet de la création de Campus France : « À partir de sa mise en place en 2010, les gouvernements successifs ont tous affiché leur volonté d’attirer des étudiants internationaux pour favoriser une immigration qualifiée. Or, il est plus facile d’attirer cette immigration qualifiée au moment où on la forme que de la faire venir une fois qu’elle a déjà été formée ailleurs. »
Former des professionnels issus de différents pays sert par ailleurs la diplomatie française, avec des étudiants et des partenariats universitaires susceptibles de servir un jour de passerelle avec d’autres États. Alors que des conflits qui s’annoncent durables ont éclaté ces derniers mois dans le monde, cet enjeu est pris très au sérieux par la France.
Pour attirer un public international plus large, l’un des défis consiste pour elle à développer davantage d’offres de formation en langue anglaise. « Il y a des incitations très fortes pour que les universités sautent le pas », confirme Lionel Ragot. Dans un monde où la sobriété énergétique devient prépondérante, le chercheur parle enfin d’une « offre qui bouge à la place des étudiants ». « Pour éviter que les étudiants ne prennent l’avion mais surtout pour limiter leurs dépenses, les campus français ont développé ces dernières années une politique de déploiement de l’offre dans les pays d’origine. L’objectif est d’offrir aux étudiants sur place la même formation que celle qu’ils auraient reçue en venant en France. » Avec La Sorbonne à Abu Dhabi, l’ESCP à Madrid et Berlin ou encore l’Essca à Shanghai, plus besoin de traverser les frontières pour des études « made in France ».
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