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Christian Masset : «Dans cette période de crise, la France et l’Italie se sont rapprochées»

Invité le 4 juin par la chambre de commerce et de l’industrie franco-italienne, l’ambassadeur de France en Italie Christian Masset livre son point de vue sur les relations franco-italiennes durant la crise.

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Quel a été le lien entre la France et l’Italie durant la crise du Covid-19 ? 

Christian Masset : Le premier cas en Italie a été décelé le 20 février. Le 23 février, les premières zones rouges été établies en Italie et le 27 février, en dépit de l’épidémie, le Président français et le Président italien ont décidé de maintenir le sommet bilatéral de Naples. Ce sommet a été celui de la relance et le dernier événement international qui se soit produit en Italie avant la fermeture des frontières. Le 3 et 4 juin, le ministre des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian est venu en Italie le jour de la réouverture des frontières. Il a donc été le dernier ministre des Affaires étrangères à venir en Italie avant le début de la crise et le premier haut représentant étranger à revenir. Bien sûr, il y a ici un signal, un symbole extrêmement fort. Le président du conseil italien Luigi di Maio et toutes les autorités italiennes ont beaucoup apprécié ce geste qui montre aussi la force de cette relation franco-italienne.

La crainte pouvait être que la crise fasse que l’on ait un peu oublié ce qu’il s’est passé. Cependant, dans cette période de crise, la France et l’Italie se sont rapprochées. Nous avons retrouvé l’importance de notre voisinage notamment sur des questions de déplacements des transfrontaliers qui est un élément essentiel des deux côtés de la frontière pour nos économies, nous avons trouvé un moyen de permettre ces déplacements, nos frontières sont toujours restées ouvertes. Nous avons redécouvert notre interdépendance, à quel point nous sommes liés. Il y a eu des gestes de solidarité et puis surtout un travail en commun sur le fond de relance qui est absolument indispensable pour nos économies et la reprise. Pendant cette crise, il y a eu beaucoup de contacts entre Emmanuel Macron et Luigi di Maio. Nous devons continuer de travailler ensemble pour que l’UE amène les  réponses nécessaires sinon nous risquons le replis et donc de nous enfoncer dans la crise.

Il existe aujourd’hui des partenariats dans l’automobile, la défense et d’autres secteurs mais nous pouvons encore développer ces partenariats notamment dans le domaine de la santé. Cela a été évoqué lors du sommet du 3 juin, Emmanuel Macron a appelé à une Europe de la santé. Cette Europe de la santé nous devons la bâtir et les Français et les Italiens ont un rôle important à jouer dans ce domaine. Au cours de ce sommet bilatéral, Hubert de Rutti, président de Sanofi Italie et président du groupe Français Italie qui regroupe 40 entreprises françaises présentes en Italie dans le domaine de la santé a présenté tout ce qui été fait par les entreprises françaises en Italie. De la même façon, les représentants italiens ont signalé ce que faisait le club Leonardo da Vinci Pharma, qui regroupe plusieurs entreprises pharmaceutiques italiennes implantées en France. L’objectif est donc de développer une sorte d’agence industrielle franco-italienne dans le domaine de la pharmacie et du biomédical pour contribuer à cette Europe de la santé. Dans nos deux pays, la Caisse des dépôts et des prêts en Italie et la Banque Publique d’Investissement (BPI) en France auront un rôle accru pour venir en aide aux entreprises pour pouvoir aborder la reprise et sortir de la crise. Il était déjà prévu, au sommet de Naples, que la Caisse des Dépôts et des Prêts et la BPI qui suivent des entreprises travaillent ensemble pour voir quel sont les entreprises dans leur portefeuilles qui peuvent faire des partenariats pour augmenter leur affaires. Et là, il est évident qu’entre ces deux entités, le dialogue doit être monté encore d’un cran afin de fabriquer plus de partenariats franco-italiens.

Selon vous, quels risques représentent cette crise pour l’Union Européenne ?

C.M.: Cette crise est inédite, c’est un moment historique et un moment de vérité. On parle beaucoup du monde d’après comme un monde où plus rien ne sera comme avant, où les choses iront mieux etc. En réalité, c’est un monde qui présente des risques. Comme le dit Jean-Yves Le Drian, il y a une crainte que le monde d’après ressemble au monde d’avant mais en pire. Ceci d’une part à cause de la fragmentation de la mondialisation qui risque de s’aggraver pendant sa reprise et notamment face aux problèmes économiques qui vont se poser dans nos pays et dans d’autres partie du monde.

On assiste également à une aggravation de la rivalité entre la Chine et les Etats-Unis qui prend un peu l’allure d’une confrontation. Il y a aussi le risque que d’autres conflits qui sont aussi importants – je pense à la Libye, l’Irak, la Syrie et en Afrique -, soient un peu plus oubliés et que par conséquent ils ne reviennent avec plus de force et avec des risques pour notre propre sécurité pas uniquement pour les risques de terrorisme, mais aussi pour des risques économiques. Il y a le risque que l’Europe ne soit pas à la hauteur et que ceci se traduise par un affaiblissement de beaucoup de pays européens. D’autant plus que certaine pays étaient encore convalescents de la crise financière de 2008. Il existe toujours des risques de division et de paralysie qui peuvent guetter le processus européen. Enfin, il y a le risque que les confrontations entre puissances se fasse plus fort et que l’Europe devienne une sorte de barrière d’ajustement des confrontations géopolitiques du monde et donc ceci avec un affaiblissement généralisé.

Nous vivons un moment de vérité, un moment qui présente beaucoup d’opportunités qui doivent se nourrir de ce sursaut pour justement trouver les moyens de surmonter cette crise et cela dépend énormément de nous. Chacun des Etats s’est lancé dans des politiques de lutte contre le coronavirus qui portent leurs fruits puisque partout on voit la courbe de l’épidémie décroitre mais aussi des  politiques de relance et de soutien aux familles et aux entreprises. Sur ce point de vue là, l’Europe est absolument essentiel, aucun état ne peut s’en sortir seul. Nous avons eu cependant l’impression d’un retard à l’image qui s’est manifesté sur la question des frontières où les pays ont fermé leurs frontières sans aucune coordination. On l’a vu aussi sur le plan sanitaire, la question des masques où personne n’a agit de façon coordonnée sur ce dispositif. De même pour la réponse aux risques de la crise économique. La BCE a d’abord affiché une première réponse qui n’a pas été jugée suffisante pour un certain nombre d’observateurs. Cependant, nous avons rattrapé ce retard et je crois qu’il faut vraiment prendre la mesure de ce qui a été réalisé en très peu de temps. En réalité, durant cette crise sanitaire, nous avons agit avec beaucoup plus de célérité et plus d’ambition que durant la crise financière.

Quel a été le rôle de la coopération européenne dans la gestion de la crise ?

C.M.: Premièrement, sur les frontières nous avons rétablis une coordination. Maintenant, il faut qu’elle soit à l’oeuvre pour la réouverture des frontières. La France et l’Italie y travaillent. Sur la santé, il y a aussi eu une coordination qui s’est mise en place, notamment s’agissant du vaccin. Les pays européens et notamment la France et l’Italie avec la Commission Européenne ont été le coeur de cette grande initiative internationale d’alliance sur les vaccins et les dispositifs lancés il y a trois semaines, qui maintenant ont récolté environ 10 milliards de dollars.

La coordination a également été mise en oeuvre sur la réponse à la crise économique et sociale avec tout d’abord les 750 milliards d’engagement de liquidité dans l’économie de la BCE mais aussi avec les différents dispositifs tel que le financement de mécanismes de chômage partiel et surtout la proposition de la Commission Européenne sur le fond de relance (750 milliards dont 500 milliards de dons et 250 milliards de prêt). Cette proposition s’appuie sur une initiative franco-allemande mais s’inspire beaucoup du travail que nous avons mené avec l’Italie et d’autres pays comme l’Espagne, le Portugal, l’Irlande et d’autres. Ce fonds de relance constitue un pas historique dans la construction européenne et une réponse qui est tout à fait à la lumière de ce qu’on fait d’autres pays dans le monde comme les Etats-Unis ou la Chine. Il est donc absolument essentiel de prendre la mesure de l’ensemble de ces actions qui ont été prises en peu de temps et qui donnent une réponse tout à fait crédible.

Sur la santé cela a pris notamment du temps car la compétence santé n’est pas forte en UE.  On entend souvent à ce sujet « l’Europe n’est pas là » mais l’Europe n’est pas là parce que dans certains domaines elle n’a pas véritablement les compétences pour le faire et a donc besoin de plus de temps pour se coordonner. S’agissant de la réponse à la crise économique, et au renforcement qui comporte le renforcement des systèmes de santé, nous avons là une réponse supérieure à celle qui a été donnée lors de la crise financière et ceci dans un laps de temps plus court (moins de trois mois) ce qui est tout a fait spectaculaire.

Pour ce qui est du fonds de relance, les jeux ne sont pas encore encore faits. Nous avons une proposition de la Commission Européenne, elle est partagée par la grande majorité des états membres, mais il y a encore des Etats qui ont des réserves. Il va donc falloir les convaincre. Ce qui est aussi très important c’est que, avec cette crise du coronavirus, nous avons pris la mesure de notre interdépendance au niveau européen. Enfin, il est important que l’Europe soutienne toujours un multilatéralisme fort. L’OMS est importante, l’OMS n’est pas parfaite, il y a des réformes à faire, mais il faut les faire. Dans un monde où le multilatéralisme est contesté, où certains essaient de le diriger, il est important que l’Europe soit là pour le défendre.

 

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