Destinations au banc d'essai
Baldwin et la chocolaterie
Après la Chine et le Vietnam, c’est en Indonésie que Baldwin Jehanno a décidé de faire sa vie. Installé à Jakarta depuis quatorze ans, le quadragénaire, né d’un père breton et d’une mère allemande, a lancé Jika, sa propre marque de chocolat. Son ambition : redonner ses lettres de noblesse au cacao indonésien.
Comment avez-vous eu l’idée de monter votre propre marque de chocolat en Indonésie, alors que vous veniez plutôt de l’univers du vin ?
Je suis arrivé en Indonésie en 2011 et, jusqu’en 2015, j’ai importé du vin français, puis je me suis orienté vers l’importation de produits d’exception comme le caviar. Mais en parallèle, j’avais envie de développer un produit local. C’est une réflexion que nous avons menée avec ma femme indonésienne, Sury, et nous avons pensé au chocolat. En 2016, j’ai beaucoup voyagé en Indonésie et, un an après, nous avons lancé notre marque Jika, qui signifie « si » en indonésien.
En 2017, nous avons ouvert notre chocolaterie dans le sud de Jakarta et produit nos premières tablettes. L’année dernière, nous avons déménagé dans un site plus grand, afin d’avoir davantage d’espace pour accueillir des groupes. Depuis la création de Jika, notre production a triplé, que ce soit pour les tablettes, le chocolat de couverture ou les produits dérivés.
Quelles sont les principales régions productrices de cacao en Indonésie ?
La Sulawesi représente 60 % de la production indonésienne de cacao. Nous nous fournissons également sur l’île de Sumatra, dans la région d’Aceh, mais aussi sur l’île de Bornéo. Nous venons tout juste de démarrer des plantations aux Moluques ; la production sera disponible d’ici deux ans. Enfin, nous avons développé trois nouveaux sites en Papouasie.
Est-ce que les Indonésiens sont des croqueurs de chocolat ?
Le chocolat produit en Indonésie est destiné aux grands groupes industriels de l’agroalimentaire. Nous avons eu envie de faire du chocolat indonésien destiné aux consommateurs indonésiens. Nous avons développé notre offre dans les supermarchés, mais aussi auprès des hôtels et restaurants. Nous venons également de signer un accord avec DFS et sommes présents à l’aéroport de Bali.
Nous ciblons les consommateurs indonésiens, mais aussi les touristes désireux de rapporter un produit « local ».
Comment avez-vous été impacté par la hausse des prix du cacao ?
On a eu beaucoup de soucis. Comme les industriels ont été confrontés à une pénurie de cacao, ils ont acheté toute la production sans prêter attention à la qualité des fèves. Les fermiers avec lesquels nous travaillons ont donc arrêté la fermentation, étape clé pour développer les arômes.
Nous nous sommes ainsi retrouvés à acheter des fèves plus chères, mais d’une qualité moindre. D’un point de vue positif, cette flambée des cours du cacao a fait le tour de l’archipel : de nombreux fermiers veulent désormais développer des plantations. Je suis sollicité tous les jours pour des conseils. C’est une bonne nouvelle pour relancer la filière.
Quels sont aujourd’hui les défis pour la filière cacao en Indonésie ?
L’Indonésie était il y a dix ans le troisième pays producteur de cacao derrière la Côte d’Ivoire et le Ghana, mais elle n’occupe plus aujourd’hui que le sixième rang mondial, avec une production divisée par deux depuis 2013.
Depuis des années, les planteurs se détournent du cacao pour des cultures plus stables et plus lucratives, comme l’huile de palme ou le caoutchouc. Par ailleurs, il y a eu très peu d’investissements en amont pour accompagner les fermiers. L’Indonésie a misé essentiellement sur l’industrie de transformation du cacao, avec la présence d’industriels comme Barry Callebaut ou Cargill qui y ont ouvert des usines.
Mais faute de production suffisante, ces industriels doivent importer des fèves, notamment d’Afrique. Pour lutter contre cette dépendance, le gouvernement indonésien s’est fixé comme priorité de revitaliser la filière cacao.
Quelles actions ont été mises en place pour relancer un cacao de qualité ?
Le gouvernement indonésien a lancé le plan IndoKakao (2025–2027), qui vise à améliorer les conditions de production pour les petits exploitants, valoriser la qualité du cacao, tout en intégrant les dimensions sociales et environnementales.
La France, via l’Ambassade et le CIRAD, est le partenaire international privilégié du programme. En novembre, par exemple, des fermiers, chercheurs et universitaires se sont réunis à Jogjakarta pour une formation post-récolte sur les techniques de séchage et de fermentation. Nous irons ensuite en Sulawesi à la rencontre des producteurs.
Au-delà du renforcement de la chaîne de valeur, un volet important porte sur la recherche, notamment avec le CIRAD : lutte contre les insectes, développement de plants résistants, le tout dans une approche durable. Si le gouvernement réussit son pari avec la filière cacao, il pourra ensuite étendre cette stratégie au reste du secteur agricole.
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