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Luc Bardin : « Le Brexit, une opportunité pour Londres et pourquoi pas pour Paris »

Chaque semaine, le site Français à l’étranger, en partenariat avec le Cercle d’outre-Manche, discute du Brexit avec un dirigeant français actif au Royaume-Uni. Luc Bardin, fondateur des cabinets de conseil Strategic Partnering et The Strategic Brand, expose les opportunités stratégiques du Brexit pour la France.

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Pouvez-vous vous présenter ? 

Luc Bardin: Je vis depuis 25 ans au Royaume-Uni. J’ai notamment été dirigeant dans un grand groupe énergétique, BP. En quittant l’entreprise, j’ai créé deux start-up. L’une, autour des partenariats stratégiques, Strategic Partnering, et la seconde, The Strategic Brand, autour des marques stratégiques. Au sein de ces entreprises, nous travaillons et développons des projets dans plusieurs secteurs, en nous concentrant sur les relations entre organisations, entre nations ou entre cultures différentes. Nous travaillons notamment pour le gouvernement britannique sur des partenariats publics – privés avec leurs principaux fournisseurs, dont certaines très belles entreprises françaises. Nous opérons également dans d’autres secteurs tels que la défense, la santé, l’énergie, ou les services, plus généralement tous de grands pans de l’industrie et de l’activité économique. Notre corps de métier est le conseil stratégique appliqué. 

Dans ce cadre là, quel impact a eu le Brexit proprement dit sur votre entreprise ?

L.B:A titre personnel je suis accablé par le Brexit. Lorsque nous sommes arrivés en Angleterre il y a 25 ans, nous avons été très bien accueillis. Depuis, nous nous sentons en quelque sorte comme des  « enfants » de deux pays. Les voir divorcer est quelque peu catastrophique. 

Sur un plan professionnel, notre entreprise, Strategic Partnering, a pour objectif justement d’éviter les divorces entre les organisations. Ces « divorces » sont d’une certaine façon comme les divorces entre personnes : souvent douloureux et très coûteux. L’échec d’un partenariat est toujours une déception et même un regret puisque presque immanquablement nous aurions pu éviter cela. 

Mais de notre côté, les conséquences directes pour notre activité professionnelle sont positives car elles suscitent un accroissement considérable pour l’intérêt de nos solutions. Avec le Brexit, nous passons d’un régime imposé par l’Union Européenne à un régime volontaire qui est celui d’accords pouvant être scellés entre les gouvernements et les organisations. Cela relève vraiment de notre champs d’activité : d’aider à sceller des partenariats volontaires et des collaborations qui peuvent réussir et les aider à performer. Et je ne vous parle pas des coopérations inédites qui naissent en réponse à la pandémie pour développer et fabriquer des tests, des respirateurs, des masques… 

Quelles opportunités voyez-vous pour la France avec le Brexit ?

L.BDeux choix s’offrent à nous en tant que pays, entreprises et à titre individuel. En tant que pays, nous pouvons bien sûr décider de faire « payer » les Britanniques pour leur « trahison » et tenter d’en tirer le maximum de profit immédiat pour en quelque sorte « les punir ». En tant qu’entreprises, nous pourrions prendre la décision de faire du Royaume-Uni une seconde priorité ou même de ne plus s’y intéresser du tout. Tout ceci représente une première forme de choix dont j’entends beaucoup parler. 

Je pense qu’il y a une autre alternative à cela. Pour notre pays, il s’agirait de développer une vraie politique de coopération bilatérale. En effet, nous avons un intérêt à tourner cet évènement en opportunité, et ce pour plusieurs raisons. Le Royaume-Uni est le premier solde commercial bilatéral Français avec 12 milliards de bénéfices en 2018. 300 000 de nos concitoyens vivent en Angleterre et nous comptons en France 400 000 propriétés appartenant à des Britanniques. La France et le Royaume-Uni sont des partenaires naturels qui, en dehors du rugby, sont inséparables. 

Nous avons aussi des intérêts similaires stratégiques et politiques considérables. Dans le domaine de la défense par exemple, les deux armées sont absolument résolues à continuer des coopérations extrêmement étroites. Le lendemain du vote du Brexit, les deux états-majors ont exprimé leur détermination à ne rien perdre de leurs relations privilégiées approfondies. Pour notre entreprise, cela signifie que nous pouvons aider à clarifier et consolider ces relations. C’est ce que nous faisons déjà et ce que nous allons probablement continuer à faire encore plus lorsque la séparation formelle aura été matérialisée. 

Par ailleurs, de grandes entreprises françaises opèrent sur le marché considérable du Royaume-Uni notamment au service de l’Etat, dans la technologie, l’informatique ou les services. Il serait regrettable que ces entreprises perdent le « focus » sur l’Angleterre. Bien au contraire, je pense qu’il y a l’ opportunité d’apporter encore plus, du fait que les relations soient plus libres et volontaires. Selon moi, il est possible d’aider les deux parties à trouver un intérêt commun au-delà de la complexité apportée par le cadre politique générale de la séparation du Brexit. 

Enfin et toujours à titre d’illustration, évoquons le secteur énergétique. Nous sommes extrêmement impliqués dans la filière nucléaire britannique et nous pourrions nous demander si EDF, qui est central dans leur système nucléaire civil, va diminuer son effort dans le pays voire même quitter le Royaume-Uni. Et le Royaume-Uni veut-il lui-même diminuer son implication avec EDF à cause du Brexit ? Non, probablement pas. Pour ce qui est du domaine de la recherche et du développement européen pour le nucléaire du futur, la fission par exemple, les Britanniques pourraient-ils agir seuls ? Ils ont, selon moi bien plus intérêt à ce que nous continuions à travailler avec eux et inversement. Nous priver du savoir-faire britannique serait en outre très regrettable. Cela nous ferait perdre l’avance de l’Europe sur les Américains et les Chinois. 

Selon vous, quels risques le Brexit représente-il pour le Royaume-Uni ?

L.BPendant près de trois ans, l’appareil législatif britannique s’est concentré entièrement sur la résolution de la question du Brexit. Le Royaume-Uni n’a pas dépéri pour autant… En réalité, rares sont les éléments qui montrent que les Britanniques peuvent s’écrouler. Pour autant, le Royaume-Uni a des défis. Sa croissance risque de ralentir pendant un temps et le pays rencontrera probablement des problèmes pour trouver du personnel qualifié. Mais les Anglais vont être pragmatiques, ils vont saisir l’opportunité au sens global et au sens microéconomique pour leurs entreprises. 

Comment parvenez-vous à faire travailler les personnes ensemble? Mettez-vous en place des dispositifs particuliers, des initiatives pour maintenir le dialogue ? 

L.BNous sommes une société de conseil extrêmement pointue. Nous ne faisons qu’une seule chose et ceci de façon très systématique. Nous avons un modèle de fonctionnement qui est extrêmement codifié. Vous pouvez avoir les meilleures relations qu’elles soient, si elles ne sont pas structurées et organisées elles ne tiendront pas à long terme. Nous essayons d’aider les entreprises à identifier la stratégie qu’elles veulent mettre en place et la traduire en actes concrets afin de réussir la dimension relationnelle de leur projet. De part la différence des cultures ou des organisations de travail, les Français, Anglais, Chinois ou Américains rencontrent des difficultés à travailler ensemble. Notre rôle est donc de réduire leurs différences et de valoriser au maximum leurs points communs. Notre savoir-faire est structuré, mécanisé et s’adapte en fonction des situations humaines. 

Depuis le Brexit, percevez-vous des conflits entre les personnes ou les organisations avec lesquelles vous travaillez?

L.B : Je ne vois des conflits que de la part de personnes qui seraient dogmatiques. Certains Européens auraient tendance à dire aux Britanniques « Vous êtes sortis, c’est tant pis pour vous ». Les Britanniques les plus radicaux ne veulent plus rien avoir à faire avec les Européens. Fort heureusement, ils sont très peu nombreux.

Ce que j’observe du côté du Royaume-Uni, c’est que la plupart des Britanniques sont très pragmatiques. Si les Français ou les Européens peuvent leur apporter des choses positives, ce que nous pouvons faire, ils traiteront avec nous comme avec tout autre Etat avec lequel ils envisagent d’entretenir des relations plus étroites dans le futur. 

Quels conseils donneriez-vous pour les négociations entre entreprises et organisations françaises et britanniques ?

L.B J’ai plutôt un désir profond, celui que des initiatives soient prises au niveau de l’Etat avec, par exemple, la mise en place d’une « task-force » au ministères des affaires étrangères et de l’économie nous permettant de saisir les opportunités que le Brexit nous offre. 

Au niveau des entreprises,  j’ai constaté dans la période pré-Brexit que beaucoup d’entreprises françaises pensaient que le Brexit rendrait tout beaucoup plus compliqué et se demandaient si elles devaient investir pour conserver une présence au Royaume-Uni. Mon premier conseil serait de leur dire : « Oui faites-le, avec les yeux grands ouverts, dans des termes qui soient vos termes de gestion d’entreprise ». C’est un grand marché avec une énorme potentialité. Ce que nous pouvons apporter dans différents domaines peut se vendre de façon très profitable et à long terme. Ceci indépendamment de toute gesticulation relative à la politique du Brexit. 

Avez-vous quelque chose à ajouter ?

L.B Souvent le Brexit est approché comme un risque et comme un négatif. Le Brexit peut créer des opportunités pour le Royaume-Uni mais peut être aussi pour la France. Chaque changement significatif s’accompagne d’opportunités. Il se peut qu’il y ait des pays qui trouvent plus difficile que nous de finaliser leurs accords bilatéraux avec l’Angleterre. Si nous  approchons les changements liés au Brexit de façon extrêmement déterminée et organisée, nous avons une chance de sortir gagnant.

 

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