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« La dynamique entre la France et l’Amérique latine est (…) ancienne et nous souhaitons approfondir ces relations » (Romain Nadal, ambassadeur en Argentine)

Il a pris ses fonctions en août 2023 en tant qu’ambassadeur de France en Argentine, quelques mois avant l’élection de Javier Milei à la tête du pays. Dans une interview accordée à Français à l’étranger, Romain Nadal explique que cette situation constitue un « défi » à plusieurs égards . L’ambassadeur l’assure néanmoins : l’Argentine va être « un partenaire essentiel » pour la France dans la recherche de solutions aux crises géopolitiques actuelles, de l’Ukraine au Proche-Orient.

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« En 2024,l’Argentine va être un partenaire essentiel (…) dans la résolution des crises »

Français à l’étranger : Vous êtes arrivé à l’ambassade de France en Argentine en août dernier : quel a été votre parcours avant ce poste ?

Romain Nadal : J’ai pris mes fonctions en Argentine au début du mois d’août. Avant cela j’étais ambassadeur au Venezuela, entre 2017 et 2023. C’est une durée inhabituellement longue, liée à la volonté du gouvernement français de maintenir une certaine continuité sur place alors que le pays connaissait une grave crise politique, afin de suivre les négociations entre le gouvernement vénézuélien et l’opposition. Avant le Venezuela, je n’avais jamais été en poste en Amérique latine. Mais j’ai un fort intérêt pour le monde hispanique et un lien étroit avec la langue espagnole du fait que mon père était enseignant de langue espagnole et qu’il nous a beaucoup emmené en Espagne. Lorsqu’il a été question que je sois nommé chef de poste, j’ai donc émis des vœux pour partir en Amérique latine. Le fait de connaître les codes linguistiques m’a facilité le travail lors de mon arrivée et permis de m’immerger rapidement dans la société vénézuélienne.

L’arrivée de Javier Milei à la tête de l’Argentine implique-t-elle une évolution de la relation franco-argentine ?

L’alternance politique qui existe aujourd’hui en Argentine est inédite dans la mesure où le président élu est issu d’un parti politique très récent, et que c’est la première fois en quarante ans de démocratie qu’un candidat qui n’est issu d’aucun parti historique est élu. Pour nous à l’ambassade, cette situation constitue un défi notamment parce qu’il faut renouveler les contacts.  Des relations entre La Libertad Avanza – le parti de Javier Milei – et nos équipes avaient néanmoins commencé à être tissées avant mon arrivée, comme avec les autres candidats à la présidentielle argentine. Ensuite, le programme politique de Javier Milei est très novateur au sein de l’Argentine : il a proposé un certain nombre de mesures pendant sa campagne, on verra s’il les mettra toutes en application. Nous allons suivre cela de près, sachant que la diplomatie française sait s’adapter à un monde qui change vite et que notre politique étrangère est capable de prendre en compte très rapidement les changements politiques.

Javier Milei a réduit de moitié le nombre de ministères à peine élu, entraînant la disparition de ministères qui couvrent des enjeux globaux, à commencer par celui de l’environnement. Sur ce sujet, qui va être votre interlocuteur ?

Plusieurs ministères ont certes été supprimés, mais les administrations demeurent et nous avons des interlocuteurs dans chacune d’entre elles. Les fonctionnaires qui travaillaient sur les enjeux environnementaux vont continuer à le faire et l’essentiel est que les politiques publiques se poursuivent. Il y avait notamment eu beaucoup de débats sur l’avenir de la recherche scientifique argentine après l’élection de Javier Milei, mais nous constatons qu’un nouveau président du Conicet (le conseil national de la recherche scientifique et technique en Argentine) a été nommé et nous avons d’ailleurs pu le rencontrer pour évoquer avec lui la continuité de la coopération scientifique entre nos deux pays, une coopération prolifique.

En matière d’environnement, une envoyée spéciale a été nommée au ministère argentin des relations extérieures et elle connaît très bien les enjeux environnementaux puisqu’elle était chargée de ces questions lors de la présidence de Mauricio Macri (Le Président de la République argentine entre 2015 et 2019). Elle s’est notamment rendue à Dubaï pour la Cop 28. La nomination de cette personnalité montre donc qu’il va y avoir une continuité et que l’Argentine va rester engagée dans les négociations sur le changement climatique, ce qui est de nature à nous rassurer.

Vous avez récemment signé une tribune dans le journal argentin Clarín où vous dites qu’en matière d’énergies renouvelables « le potentiel de l’Argentine semble illimité, que ce soit pour l’énergie éolienne, solaire ou hydroélectrique ». Comment la France accompagne le développement de ce potentiel ?

De multiples vecteurs de coopération sont mobilisables :  le travail avec le Conicet et les institutions scientifiques argentines, la coopération universitaire, la mise à disposition d’experts français auprès du gouvernement argentin via le dispositif France Expertise, etc. Les entreprises françaises jouent également un rôle de premier plan dans cet accompagnement et un certain nombre d’entre elles sont bien positionnées ici dans le secteur des énergies renouvelables. Je peux citer l’entreprise Neoen qui a investi 350 millions de dollars à Salta (province du nord-ouest de l’Argentine) dans une installation solaire pour produire de l’électricité. Cette région, par son altitude et son exposition solaire permet une très grosse production d’énergie photovoltaïque.

Toujours dans cette province, l’entreprise Eramet a investi 800 millions de dollars dans une installation d’extraction de lithium qui permet de fabriquer les batteries électriques. L’installation est en voie d’achèvement et la production doit commencer en mai ou juin 2024 avec un objectif de 25 000 tonnes de lithium par an. L’entreprise prévoit une deuxième phase de développement à Salta pour, cette fois, un montant d’un milliard de dollars, sachant que l’Argentine devrait être le deuxième producteur mondial de lithium d’ici 2025, derrière l’Australie.

Malgré ce potentiel, les investisseurs étrangers continuent de miser en Argentine sur les énergies fossiles, notamment à Vaca Muerta, un gisement de pétrole et de gaz de schiste découvert en 2010 et situé dans le sud-ouest de l’Argentine. L’exploitation de ce gisement se fait au détriment des populations locales et de l’environnement avec l’utilisation du processus de fracturation hydraulique depuis 2013. Comment la France, qui promeut une transition énergétique à l’échelle mondiale, se positionne-t-elle sur ce sujet ?

Le gouvernement argentin est souverain et décide, conjointement avec les provinces dans la mesure où il s’agit d’un État fédéral, d’exploiter ces ressources. Or, d’ici à ce que la transition énergétique soit totale, tous les pays vont devoir utiliser pendant encore plusieurs années les énergies fossiles. Il est donc logique que l’Argentine, qui a des ressources importantes en la matière et connaît une crise économique d’ampleur, les exploite jusqu’à ce que nos modèles économiques soient complètement décarbonés. Ces ressources doivent aussi lui permettre de moins dépendre, à terme, des importations. Nous n’avons donc pas à leur donner de leçons sur ce sujet, d’autant qu’à Vaca Muerta, les principaux opérateurs ne sont pas des entreprises françaises. Je tiens à ajouter que la société civile argentine a une forte tradition de mobilisation et que les enjeux environnementaux font partie de ses préoccupations.

Et en ce qui concerne l’extraction minière où les entreprises françaises sont plus nombreuses, toutes s’imposent les standards écologiques les plus exigeants. C’est le cas d’Eramet que je viens d’évoquer, mais aussi de la start-up française Adionics. Cette start-up a mis au point une méthode d’extraction du lithium qui est la plus écologique possible entreprises.

Les conflits en Ukraine et en Israël/Palestine bouleversent le jeu géopolitique. Dans ce contexte, la France doit renforcer ses partenariats avec les pays du Sud. Si des institutions comme Campus France ou l’Institut français visent en particulier l’Afrique et l’Asie, n’est-ce pas également le moment de se tourner davantage vers l’Amérique latine ? Et notamment l’Argentine, pays très francophile…

Diana Mondino, la ministre argentine des relations extérieures, était ce 20 décembre 2023 à Paris pour son premier déplacement à l’étranger, ce qui est très symbolique. De son côté, Emmanuel Macron a fait de l’Amérique latine un espace géopolitique prioritaire pour la France : il a envoyé un membre du gouvernement pour la cérémonie d’investiture de Javier Milei (Stanislas Guérini, le ministre de la Transformation et de la fonction publiques, ndlr), il est venu en Argentine pour le G20 en 2018, et il a annoncé qu’il se rendrait au Brésil l’an prochain. La France a par ailleurs un réseau diplomatique particulièrement dense en Amérique latine puisque nous avons des postes dans la plupart des pays et nos ministres s’y déplacent beaucoup. La dynamique entre la France et l’Amérique latine est donc ancienne et nous souhaitons approfondir ces relations, notamment dans le cadre du G20 pour l’Argentine qui en est également membre.

De son côté, Javier Milei a annoncé des orientations diplomatiques de rapprochement avec l’Union européenne. Il a convié les présidents ukrainien Volodymyr Zelensky et hongrois Viktor Orban, l’objectif étant de favoriser le dialogue entre ces deux pays et de sensibiliser les pays d’Amérique latine à la cause ukrainienne. Le nouveau gouvernement argentin a par ailleurs annoncé s’aligner sur la France et l’UE en ce qui concerne la classification du Hamas comme organisation terroriste, et souhaite contribuer à la recherche d’une solution politique à la situation au Proche-Orient. En 2024, l’Argentine va donc être un partenaire essentiel pour nous dans la résolution de ces crises.

Cela fait maintenant des années que cet accord de libre-échange entre l’UE et le Mercosur peine à voir le jour. Quels sont les points de blocage ? Comment travaillez-vous avec vos homologues des autres pays du Mercosur et avec Bruxelles pour avancer sur ce sujet ?

Au niveau européen comme dans les pays du Mercosur, il y a une volonté d’aboutir à un accord. Mais cet accord, qui est en négociation depuis plusieurs années, doit désormais inclure les dernières avancées qui ont été négociées dans d’autres contextes. Car aujourd’hui, le commerce ne peut pas être isolé des autres secteurs et il faut donc que cet accord intègre des clauses issues d’accords internationaux environnementaux qui ont été signés ces dernières années afin de ne pas entrer en contradiction avec eux. Mais je suis convaincu que les autorités européennes incluent bien ces différents facteurs. Il faut aussi être conscients que le libre-échange fait l’objet de critiques de la part des sociétés civiles des deux côtés de l’Atlantique. Ces sociétés civiles doivent être associées à ces négociations et nous devons les convaincre que cet accord ne remettra pas en cause des normes sociales, environnementales, etc. Car il ne faudrait pas que cet accord soit remis en cause une fois qu’il sera présenté dans les parlements des pays membres pour y être ratifié.

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