Actualités économiques
« Taïwan est un pays encore trop sous-estimé par les sociétés françaises » (CCI France Taïwan)
Fondée en 1991, la Chambre de commerce et d’industrie France Taïwan compte aujourd’hui 195 membres qu’elle accompagne dans leurs objectifs économiques sur le territoire. Entretien avec son directeur général, Stéphane Peden.
Français à l’étranger : Quels sont les objectifs de la Chambre de commerce et d’industrie française à Taïwan ?
Stéphane PEDEN : La CCI accompagne avant tout les entreprises dans leur installation. Auparavant, nous opérions également en amont en travaillant avec elles sur l’établissement de projets ou la prise de contacts par exemple. Ce rôle est désormais rempli par Business France, et nous nous focalisons majoritairement sur l’arrivée : création d’entreprise, domiciliation, obtention des visas, gestion administrative, commercial a temps partagé etc. Certaines personnes me contactent aussi parfois pour des informations sur le marché. Je leur fournis quand je le peux mais les redirige vers Business France dès qu’elles ont besoin d’un accompagnement plus poussé. Cette décision de répartir les activités entre nos deux organismes fait partie d’un objectif plus large de travail d’équipe à Taïwan : comme dans d’autres pays, nous avons créé la « Team France », qui comprend le Bureau français, la French tech, Business France les Conseillers du commerce extérieur, les associations et écoles françaises ainsi que l’Alliance française. Ensemble, nous travaillons main dans la main pour pousser les intérêts de la France à Taïwan, qu’ils soient économiques, scientifiques ou culturels.
Quelle forme prend cette coopération ?
Cela se concrétise d’abord par ce que nous appelons les « rendez-vous », des déjeuners ponctuels organisés avec différents ministres taïwanais. Nous élaborons un dialogue commun avec les autres acteurs de la Team France, afin de présenter nos atouts aux Taïwanais dans l’optique d’éventuels partenariats. Nous leur présentons notamment des entreprises qui figurent parmi nos membres. A partir de juin 2024, nous lançons par ailleurs ainsi les « journées France », au cours desquelles nous irons voir les maires de différentes villes taïwanaises sur des périodes de deux à trois jours. Des visites d’entreprises françaises, des rencontres universitaires ou encore un « Science Bubble tea », événement organisé par le Bureau français pour montrer l’excellence scientifique française, seront par ailleurs au programme de ces journées. Celles-ci seront clôturées avec l’inauguration d’un marché français sur un week-end entier pour justement valoriser notre identité gastronomique qui fait rêver les Taïwanais. Tout cela nous permet d’avoir une meilleure visibilité auprès des institutions taïwanaises, et d’établir des connexions privilégiées avec elles.
Quels sont vos objectifs de croissance?
Depuis cinq ans, le nombre de nos membres va croissant. Pour les entreprises, adhérer à nos services – qui varient en fonction de la catégorie de membership – leur permet de gagner en visibilité, et de se développer sur le territoire. En revanche, nous n’établissons plus d’objectifs chiffrés. Nous nous sommes rendu compte que cette méthode nous poussait à vendre un maximum de memberships juste par principe, et ce n’est pas l’approche que nous souhaitons. Nous avons à cœur de créer une communauté saine, de mettre en place des services adaptés aux attentes de nos membres, et de croître de manière organique.
Outre votre rôle auprès de vos membres, la CCI porte des valeurs solidaires. Quelles sont-elles ?
Une autre de nos priorités réside dans les politiques ESG (Environnementales, sociales et de gouvernance). Nous soutenons plusieurs associations caritatives, à travers différentes actions. Mon équipe et moi avons par exemple dormi dans la rue avec des sans-abris pendant une nuit, pour lever des fonds : nous avons obtenu 6 000 euros pour les SDF. Nous aidons aussi les Aborigènes à planter des arbres dans la montagne pour compenser le carbone que produisent nos entreprises. Nous soutenons par ailleurs une association qui aide les chiens errants dans les rues de Taipei, nous participons aux Gay Pride, etc. Ces enjeux sociaux et environnementaux sont essentiels pour nous: il s’agit de montrer que la France n’est pas à Taïwan que pour le business et qu’elle participe aussi à la solidarité locale.
Taïwan est-elle un pays attractif pour les entreprises ?
Beaucoup de grandes entreprises sont déjà implantées sur le territoire. Concernant les sociétés plus petites, nous avons constaté un ralentissement pendant le Covid-19 et dans les années qui ont suivi. Beaucoup ont par ailleurs été découragés par ce qui se dit sur la situation géopolitique en France : certaines personnes m’ont dit avoir peur de s’implanter ou d’investir à Taïwan car elles craignaient une guerre imminente. En réalité, sur place, ce stress n’existe pas vraiment, les citoyens n’ont pas cette épée de Damoclès au-dessus de la tête. Et cela s’est vu encore davantage depuis l’élection présidentielle du 13 janvier 2024 tout le monde a pu constater que le scrutin s’était déroulé sans problème et nous avons immédiatement senti un regain d’intérêt pour l’île. Actuellement, j’accompagne cinq entreprises en création ainsi que des demandes, ce que je ne voyais plus du tout depuis un an. J’espère donc revoir un afflux d’entrepreneurs qui viendraient s’installer.
Quels sont les secteurs les plus porteurs à Taïwan ?
Je pense qu’il y a énormément à faire dans le domaine de l’énergie, la transition énergétique et le développement durable qui est un sujet crucial pour Taïwan. EDF et Total sont déjà très présents pour des projets d’éolien off-shore, tandis que l’entreprise Ciel et Terre est réputée dans le domaine des panneaux solaires. Il reste néanmoins tout un pan de spécialité dans lesquels les entreprises françaises peuvent être attendues : stockage d’énergie, développement durable etc. Je pense que Taïwan est un pays encore trop sous-estimé par les sociétés françaises, mais qui présente un réel potentiel de développement. D’autant que l’île est avide de partenaires et d’accueillir de nouvelles sociétés notamment dans l’agroalimentaire, la santé, les produits innovants, le luxe et les services/ produits pour les personnes âgées. C’est un pays très ouvert aux étrangers.
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